Rencontre avec Urbs
Article mis à jour le 11 mars 2015
Nous avions rencontré le dessinateur Urbs en novembre 2013 à l’occasion d’un dessin qui avait fait le tour du web sur les « bonnets rouges« .
Aujourd’hui, l’actualité étant tournée vers l’Argentine et le crash des 2 hélicoptères, tuant 10 personnes dont 3 sportifs français, j’en profite pour mettre à jour le présent article.
Cet événement est bien entendu une tragédie, cependant comme souvent, les média sont en boucle sans aucune information particulière là où, il me semble, qu’un seul dessin suffirait.
En dessinateur avisé, Urbs croque l’actualité (attentat, caricature, islamisme, tv réalité, société du spectacle….) en un seul dessin.
Terriblement cynique !
INTERVIEW réalisée en novembre 2013
C’est l’image qui a le plus buzzé la semaine dernière ! Un petit dessin de presse qui est tombé au bon moment. Un hommage au froid, au bonnet et à l’humour décalé.
Je voulais en savoir plus sur l’auteur de ce dessin…
Merci à Urbs pour sa rapidité et son temps
Bonne lecture.
Q1/ Bonjour et merci prendre le temps de répondre à mes questions. Tu pourrais te présenter à ceux qui ne te connaitraient pas encore ?
Je m’appelle Rodolphe alias Urbs, je suis dessinateur de presse au journal Sud-Ouest en alternance une semaine sur deux avec Marc Large et un des tenanciers de la librairie « La Mauvaise Réputation » à Bordeaux.
Q2/ Quelles sont les contraintes de travail d’un dessinateur de presse ?
Au delà de la recherche quotidienne d’informations et la gloutonnerie qui en résulte, la plus importante des contraintes est de trouver un oeil extérieur pour valider la compréhension de ce que tu fais. Si t’es le seul à rire de ton gribouillis, c’est gênant. Je les montre à deux ou trois de mes ami(e)s souvent avant mes rédac-chefs. Au pire, si c’est désert autour de moi, le les montre à Ilsa, la louve des SS, ma chatte. Si elle court vers ses croquettes, c’est mauvais signe.
Q3/ Quels sont tes influences dans ton travail ?
Étonnamment elles ne proviennent pas forcément du dessin de presse. Ok, Reiser et Wolinski ont ouvert les vannes d’un trait brut et bien évidemment j’en ai largement biberonné mon graphisme, mais la littérature, la sous-culture, le cinéma Bis, Dada, les situs et d’autres bizarreries ont eu de l’influence sur mon travail. Au niveau des idées, critiquer Sarkozy ou Hollande ne me passionne pas et ce que j’en pense n’intéresse heureusement personne. Je préfère le regard social du dessin que le trait politique (qui vaut mieux qu’un long discours mais qui finalement s’avère aussi chiant). Dessiner sur l’époque plutôt que sur l’actualité.
« Peut-on rire de tout ? »
J’aime le genre humain malgré ses travers insupportables, c’est une matière joyeusement inépuisable. Les misanthropes sont des sales cons dont les suicides prennent trop de temps, et au contraire j’aime bien les gourmand(e)s me parlant de choses qui me sont inconnues , ça m’influence énormément sur les idées que je peux essayer de mettre en forme, pas forcément en cherchant à me marrer à tout prix d’ailleurs. Sachant qu’on nous a pété les rouleaux pendant plus de dix ans avec la question « peut on rire de tout ? » il serait temps de se demander maintenant si on a « envie de rire constamment ? ». Ce n’est pas mon cas. Pour les mêmes raisons, j’évite le milieu du dessin de presse parce qu’à part Hara Kiri et la bière chaude tu découvres vite que leurs influences sont limitées.
A plus grande échelle, l’humour en ce moment c’est Walking Dead : Quand il n’y a plus de place en enfer, les morts-vivants ont une chronique sur France Inter ou rejoignent Groland, la mutuelle de Canal + offrant un bon remboursement pour les cirrhoses du foie. Marre de l’omniprésence des donneurs de leçons rigolos et des humoristes nombrilistes. Au mieux, ils mériteraient tous de changer la litière des chats, le monde serait plus beau.
Q4/ Ton dessin « T’es en colère ? Mets un bonnet ! » n’est pas ton premier dessin de presse, cependant il a connu un succès extraordinaire sur la toile. Tu as une explication ?
Aucune. Je n’ai rien compris et ça reste quand même anecdotique. Je suis évidemment flatté mais quasiment 50 000 partages, ça frôle les paillettes de l’Eurovision. J’ai donc découvert quelques dizaines de milliers de personnes en accord avec moi sur l’idée qu’il fait froid. Les autres doivent avoir du sang de pingouin.
Q5/ Tu es aussi l’un des patrons de la librairie « La Mauvaise Réputation » à Bordeaux. Tu peux nous parler de ce projet ?
Après 10 ans d’existence, ce n’est plus un projet, c’est une réalité. Avec mon collègue Franck on a voulu monter une librairie un poil différente avec l’idée de présenter les livres que les collègues ne pouvaient pas mettre sur table. De l’érotisme, des Pin-ups, du situationnisme, du tatouage, de l’art…en y ajoutant une galerie d’art (déjà exposés : Winshluss, Joel Hubaut, Villeglé, Blanquet…). Franck a vraiment ouvert le rayon littérature depuis quelques années, le lieu est devenu à la fois une librairie indépendante traditionnelle avec des choix littéraires très marqués (éditions Inculte, l’Arbre Vengeur, Actes Sud) et à la fois une librairie graphique fourmillant d’imports très différents de ce que tu peux habituellement trouver en librairie.
Et il n’y a pas de raison que j’arrête.
LA MAUVAISE REPUTATION – LIBRAIRIE
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